dimanche 9 septembre 2007

DA Inner Sound Y'all



Ça aurait pu être un billet d'humeur, c'est finalement classé dans "musique" mais c'est plutôt fourre-tout. Le sujet du jour : le hip hop. Exclusivement américain, je ferais un autre billet sur le rap français plus tard (quand j'aurai le courage). Oui pour moi le hip hop est américain et le rap est français, je suis pas sûr que ça soit juste mais c'est pas comme si j'allais recevoir des lettres d'insultes de la part de puristes.

Il y a des gens qui considèrent la musique classique comme élitiste et difficile d'accès. Pareil pour le jazz. Pour un white-ass boy comme moi, ça serait plutôt le rap qu'on pourrait considérer comme Terra incognita. Je me permet même le doux euphémisme de dire que je ne suis pas seul puisque autour de moi les amateurs de hip-hop doivent se compter sur les doigts de la main de Casimir après accident avec une scie à métaux.
Il faut dire que Skyrock, M6, MTV et la culture bling-bling dans son ensemble n'aident pas beaucoup. Oui l'image de base c'est le clip avec voitures tunnées, signes extèrieurs de richesse, flingues allemands, filles faciles à moitié nues (ou à moitié habillées, comme pour le verre à demi plein), bref esbrouffe ridicule. Et puis si on prête une oreille aux paroles, la soupe qui a droit d'antenne se contente d'insulter la police, les mamans et de dire qu'il faut se faire plein de pognon.
Alors ouiiiii, d'accoooooord, y a de ça. Mais pas que, bien évidemment (car nous sommes des gens biens et nous savons qu'il ne faut pas réduire un genre ou un moyen d'expression à sa forme dévoyée la plus commerciale, n'est-ce pas ?). J'ai découvert le hip hop de qualité avec un vrai OVNI, l'album 3 Feet High And Rising de De La Soul (je vous conseille l'écoute sur deezer.com). Comme je suis bon je vous donne même la possibilité d'écouter ma chanson préférée sur le blog, oui je sais c'est fou :


Là on est dans les années 80, c'est rigolo, pas prétentieux, frais et pas agressif du tout. Avec cet album, De La Soul a créé quelque chose qui aurait pu révolutionner le hip hop. Ils étaient d'ailleurs considérés comme des hippies à l'époque (parce que leurs textes étaient poétiques et qu'ils portaient des chemises à fleur). Hélas trois fois hélas ils ont refermé la porte eux même avec leur album suivant De La Soul is dead (comme ça c'est explicite) en revenant à un style plus sombre. Adieu les marguerites et les petites mélodies enjouées (et au passage 3 Feet High and Rising regorge de samples de chansons très connues, c'est un bonheur pour l'amateur de rock). Premier contact donc. Je crois que c'est idéal pour découvrir le hip hop tant c'est éloigné de l'image qu'on s'en fait à l'heure actuelle.
Après j'ai enchainé sur le groupe A Tribe Called Quest, sensiblement la même période et le même style décontracté et léger. Faites vous une idée par vous même ici ou encore ici. Ce qui me fait apprécier ces groupes de hip hop, c'est surtout le soin qu'ils apportent à leur instrumentation. C'est mélodieux, bien pensé et ça ne sert pas juste à assurer un vague fond sonore pour les paroles. Après avoir assimilé cette introduction au hip hop, je me suis mis à écouter Cypress Hill. Là encore il a de l'instrumentation de qualité mais on s'éloigne du style peace and love des deux précédents et on a affaire à un ensemble musical plus sombre. Beaucoup plus marqué par une influence latine (ils leur arrivent même de chanter en espagnol) mais aussi reggae (à moins que ça ne soit "ragga muffin", j'en sais trop rien). C'est plus gangsta, plus musclé mais ça ne tombe pas dans la carricature (bon par contre je n'ai jamais prêté attention à ce qu'ils mettaient dans leurs textes...). Allez encore un petit lien pour la route : une très connue, une autre (avec un sample facilement identifiable) et puis une dernière. Voilà donc les trois groupes qui ont le droit de cité dans mes oreilles (y a Jurassic Five aussi mais là j'ai la flemme de faire des liens donc débrouillez vous sur deezer, je conseille la chanson Red Dot et aussi Thin Line) avec une préférence éternelle pour De La Soul car à mes yeux 3 Feet est le meilleur album de hip hop de tous les temps. Ma quête pour trouver de bons groupes de hip hop (enfin "bons" au sens "j'aime" pas au sens qualitatif) me relance souvent. C'est un travail de recherche assez difficile (puisque je n'y connais rien) et souvent frustrant mais au vu des pépites que j'ai découvertes, le jeu en vaut la chandelle.
Chronique décousue, pas très belle ni bien écrite mais je me sentais d'humeur partageuse alors si les chansons que j'ai proposées ici ont pu plaire à quelqu'un ça me suffit.

samedi 8 septembre 2007

Bat-ponque



Hop, "réouverture" du blog. Ou plutôt réapprovisionnement compte tenu que l'inspiration s'était fait la malle faute d'envie et de matériel. Mais la rentrée bd a commencé alors rentrons dans le vif du sujet dès maintenant.
Paul Pope est un gars doué. Ce type dessine et scénarise dans son coin depuis un bon moment, c'était un des plus jeunes artistes à percer dans le milieu du comics "underground" (ou small press) et il s'est bien vite fait remarquer par l'industrie. Il mélange à merveille les styles européen, manga et comic pour développer une identité graphique tout à fait atypique. Bref il a plein d'influences, il fait sa cuisine et la sauce prend diablement bien. J'ai commencé à le lire avec Escapo, édité chez Vertige Graphics en France. Cela fait un moment que je connais son nom mais je viens tout juste de pénétrer dans son univers et je compte bien l'explorer encore davantage (son Heavy Liquid va être édité par Dargaud en octobre).
L'oeuvre que je critique aujourd'hui est sans aucun conteste un des comics que j'attendais le plus ces derniers mois. Batman Year 100 (Batman Année 100 chez nous, édité par Panini, bientôt en vente). Batman en 2039 (soit cent ans après sa création par Bill Finger et Bob Kane), dans une Gotham futuriste mais pas tant que ça, différente mais pas vraiment, un Batman vu par un artiste iconoclaste. L'idée brillante est de sortir le personnage de son contexte habituel des séries classiques qui n'en finissent pas. Ici l'histoire a une fin et se suffit à elle même. En termes techniques on appelle ça une mini série, au passage.
Et puis il y a la phrase de Paul Pope qui déclare que son Batman est une "American response to V For Vendetta" (oeuvre majeure d'Alan Moore et David Lloyd qui a changé ma vision de la vie, si si). Bien sûr je n'ai pas complètement pris cette description au premier degré, venant de la part de Pope ça m'aurait étonné quand même. Il n'empêche qu'il n'y a pas de fumée sans feu donc j'allais ouvrir les yeux.

Batman Year 100 est avant tout un régal pour les yeux. L'auteur se déchaine et imprime sa marque sur le personnage et son environnement. Le mélange sauvage des influences crève les yeux, ici des vaisseaux dans le plus pur style manga, là une Gotham dont les ruelles empruntent à la bd européenne, il y a du Hugo Pratt, du Jack Kirby, il y a tout et tout fonctionne. C'est punk, gras, sale, humide, nerveux mais aussi merveilleusement fluide, tout à l'épure et à l'essentiel. La mise en scène met le mouvement à l'honneur sans pour autant se priver de quelques poses bien emblèmatiques (pour qu'on puisse apprécier la façon dont il a redesigné le costume du Batman). Il glisse au passage quelques petites références incontournables de l'identité graphique de Batman, soulignant ainsi à quel point il réinterprête le mythe tout en gardant des points de repères. Points de repères qui se transforment en clins d'oeil facétieux pour ce qui reste avant tout un personnage de papier.
Durant 200 pages ce Batman devient son jouet et il magnifie, comme peu ont réussi à le faire, le fait que Batman n'est pas qu'un super héros comme les autres mais bien une icone pop à part entière. Tout le monde connait Batman, dès lors on peut le décliner à toutes les sauces pour mieux faire ressortir son essence. Paul Pope dessine donc un Batman punk, félin, dégingandé, humain (il saigne, souffre et doit reprendre son souffle) mais aussi fantasmatique, irréel, grotesque et terrifiant. Jeux de fumée, de masque et de cape, effets pyrotechniques, gadgets, rien ne manque. C'est juste beau à se damner, unique et envoûtant. On en redemande des interprétations comme ça. Voilà ce que devrait être les comics super héroïques, des variations/déclinaisons, des histoires indépendantes, des terrains de jeu avec carte blanche pour les auteurs.

La partie scénario maintenant. Force est de le reconnaitre ça ne boxe pas dans la même catégorie que Vendetta (mais comme dit plus haut, ne prenons pas trop cette déclaration au sérieux). Il est un peu regrettable que Pope n'ait pas travaillé avec un scénariste aussi dingue que lui car si il assure niveau graphique, il n'obtient pas le même résultat dans l'écriture. C'est de facture classique, sans rebondissements ni trouvaille de génie. Complot gouvernemental et chasse à l'homme, minimum syndical quoi. C'est d'autant plus dommage qu'une histoire plus osée aurait complétée à merveille une oeuvre qui avait tout pour rentrer au panthéon des meilleurs comics de super héros. Il y a des idées sympathiques quant à la façon dont le Batman se met en scène et surtout un aspect fantastique vraiment intéressant (je n'en dis pas plus mais Pope aime jouer sur les frontières entre réel et légende). Regrettable donc que rien ne décroche la machoire de façon structurelle, juste de fugaces éclairs qui ne concernent que la forme et pas vraiment le fond.
Pour donner une idée on est dans la veine d'un Dark Knight de Frank Miller (il y a d'ailleurs une influence graphique, notamment sur le design grotesque des flics) mais sans le côté jusqu'au boutiste, un peu comme si Pope restait le pied sur le frein (ou plutôt ignorait comment passer la vitesse supérieure). Dans le domaine de la variation autour d'un super héros, Mark Millar avait livré quelque chose avec une réelle valeur ajoutée dans Superman Red Son (la fusée de Superman s'écrase en Ukraine au lieu du Kansas, imaginez l'icone américaine par excellence élevée par le régime soviétique...).

Pour conclure c'est quand même quelque chose à lire, une vision folle et unique, une histoire de super héros/légende urbaine pour adultes de qualité. Dans le top 3 des meilleurs albums sur Batman.