vendredi 8 juin 2007

Sale et malsain


On attaque avec du lourd, du hardos, du poilu. Deux mots sur les responsables d'abord : Chris Weston est sans doute un brave garçon dont la vie, en tout cas c'est un dessinateur britannique très solide, à l'aise pour gribouiller tout et n'importe quoi. Grant Morrison le scénariste, par contre, doit avoir de très très sérieux problèmes mentaux. Pour ceux qui ne savent pas c'est l'un des plus grands noms actuels du comics, une sorte de shaman surdoué capable de sortir des concepts biens barrés et atypiques. Je ne vais pas m'amuser à lister toutes ses oeuvres majeures, ceux qui le connaissent déja n'en n'ont pas besoin et les titres ne parleront pas à ceux qui en entendent parler pour la première fois.
Quand même pour situer, c'est lui qui à l'origine du concept de Matrix. Enfin pas exacement puisque sa série des 90s Invisibles (un véritable chef d'oeuvre philosophico-poético-pop art dingue avec des milliards de références) était mille fois supérieure au film mais bon les frères Wachowski en plus de tout copier n'ont pas été foutu de bien comprendre l'oeuvre de base. Bref passons.

Morrison est donc fou (et sans aucun doute drogué) mais extrêmement talentueux. Alors quand il décide de se "débarasser de toute cette merde psychologique qui le tourmentait depuis la mort de son chat" (dixit Chris Weston dans une interview) ça donne The Filth. Ce qui veut dire "la crasse, la saleté, l'immondice" (tiens d'ailleurs moi je l'ai lu en anglais mais on le trouve en français). Tout un programme.
Et alors si on essaie de pitcher le bazar on est bien embarrassé. Disons que c'est l'histoire de Greg Feely un vieux célibataire qui se rend compte qu'il est un membre de la Main, une organisation policière chargée de maintenir la société au "Statut Q". L'histoire compte 13 chapitres et on assiste aux aventures et déboires de Feely dans un monde pornopsychédélique. Et très coloré. C'est inrésumable, en vérité, faut le feuilleter pour réaliser à quoi on a affaire.

Autant le dire tout de suite, ça n'est pas une lecture qui laisse intacte. C'est un livre absolument dérangeant, sale, pas fait pour un cerveau humain. Il est impossible à lire d'une traite, j'étais obligé de faire des pauses régulières (d'une ou deux journées à chaque fois) le temps de pouvoir assimiler tout ce que je prenais dans les yeux. C'est conçu pour être humainement inacceptable, y a plein de trucs auxquels on ne peut pas adhérer, c'est de la folie pure (le livre est bien foutu d'ailleurs parce que lorsqu'on l'ouvre au hasard, on tombe partiquement à chaque fois sur une des images les plus atypiques, je vous laisse découvrir...).

Mais ça n'est pas du n'importe quoi, n'importe comment. Tout est construit à la perfection, c'est chirurgicalement parfait, tant dans la mise en scène (Weston sait dessiner et agencer ses cases !) que dans le scénario. Car Morrison aborde des problèmatiques profondes, que ça soit au premier degré (on parle quand même d'une super police spéciale chargée de garder les gens dans un statut quo mental, mais ça va plus loin que ça, la notion même du statut est plus subtil que l'idée de base "apathie mentale de dictature") ou dans un registre plus profond, de l'écriture et la création en elle même (le magnifique plan sur la mer d'encre et les bateaux stylo). Et puis encore une réflexion sur le genre super héroïque dans le comics.

Je l'ai dit, on ne sort pas indemme de la lecture de The Filth, en tout cas pas moi. Je crois qu'on n'est pas habitué à un truc pareil, c'est simple au cinéma ça serait carrément inenvisageable (bien sûr qu'il y a des films de psycho mais encore faudrait-il qu'ils soient aussi intelligents que The Filth) en livre "classique" je n'ai pas non plus goûté à un truc aussi osé (mais là ça doit exister tout de même). Je le conseille à tous, ça ne laisse personne indifférent et puis c'est l'occasion de découvrir une oeuvre vraiment (bien en rouge là, le mot a tendance à être allègrement galvaudé par les marchands de soupe) atypique.

Le derniet mot sera sur l'emballage. Les couvertures (une par chapitre, celle choisie pour l'édition française est la moins bien d'ailleurs) sont classieuses mais la force du truc c'est que la bd ressemble à une boite de médicaments. Et l'avant propos est une liste des effets secondaires et contre indications de l'album ! Au dos on trouve les symptômes qui peuvent pousser à lire The Filth dont les douleurs à l'âme et l'insomnie dans un simple espace tridimensionnel....

Alors n'hésitez plus et foncez vers votre pharmacie le plus proche !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"Sale et Malsain"

Et j'te le fait pas dire, et ca résume clairement THE FILTH.

Pour donner mon avis, j'ai carrement adoré ce comics,car il offre quelque chose qu'on ne peut trouver nulpart ailleure,mais il permet aussi d'entrevoire ce que ca donne quand notre cher Grant Morrison décide de faire dans le "Sale et Malsain", ce qui est assez plaisant, même si des fois...c'est dur d'approuver... et ca, si une choses est sur, c'est qu'il ne doit pas faire l'unanimité, certain pourront lui reproché d'allez trop loin...dommage.

Pour ceux qui l'aurait lu, et aimé, je vous conseil Transmetropolitain,certe, moins "sale", moins "malsain", mais tout autant décalé, et surtout qui offre une lecture plus détendu.
Pour les réticent une petite phrase pour vous convaincre:
"Putain, 35 Dollars et même pas le droit à une pipe"